La nouvelle économie

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On connaît le mot de Karl Marx : « Donnez-moi le moulin à vent, je vous donnerai le Moyen Âge. » Nous pourrions ajouter, en le paraphrasant : « Donnez-moi la machine à vapeur, je vous donnerai l’ère industrielle. » Ou, en l’appliquant à l’époque contemporaine : « Donnez-moi l’ordinateur, je vous donnerai la mondialisation. »

 

Même si de tels déterminismes sont forcément excessifs, ils résument bien cette idée centrale : à des moments charnières de l’histoire, une invention capitale - qui ne résulte jamais du hasard - bouleverse l’ordre des choses, infléchit la trajectoire d’une société et enclenche un nouveau mouvement de longue durée. Imperceptiblement, depuis une bonne décennie, nous sommes entrés dans un mouvement de ce type.

Ayant vocation à remplacer le cerveau, l’ordinateur est en train de provoquer, sous nos yeux, des mutations encore plus formidables et inédites. Chacun constate, en effet, que déjà tout change autour de soi : le contexte économique, les données politiques, les paramètres écologiques, les valeurs sociales, les critères culturels et les attitudes individuelles. Les technologies de l’information et de la communication ainsi que la révolution numérique nous font entrer dans une nouvelle ère dont la caractéristique centrale est le transport instantané de données immatérielles et la prolifération des liaisons et des réseaux électroniques.

Internet constitue le cœur, le carrefour et la synthèse de la grande mutation en cours. Les autoroutes de la communication sont à l’ère actuelle ce que les chemins de fer furent à l’ère industrielle : de vigoureux facteurs d’impulsion et d’intensification des échanges.

Les néocapitalistes parient donc sur la croissance exponentielle, en cette phase de décollage, de toutes les activités liées aux autoroutes virtuelles, aux technologies des réseaux, à Internet. Et l’on appelle cela la « nouvelle économie ».

Nous tenterons, dans un premier, temps de cerner l’environnement de la nouvelle économie puis nous aborderons le principal vecteur de cette grande mutation : le commerce électronique. Notre étude débouchera sur les principaux problèmes qui sont inhérents à un tel bouleversement social.

I. fondements et caractéristiques

A. Qu’est ce que la nouvelle économie ?

Une entreprise qui commercialise ses produits à travers Internet, un homme d’affaires qui surveille l’évolution des cours boursiers par le biais de son téléphone portable, une multinationale qui utilise la toile pour tous les types de communications entre ses filiales, voilà quelques illustrations de ce nouveau paradigme de notre temps que devient, semble-t-il, la « nouvelle économie » .

Définir cette dernière revient, comme le notent Bernard Maître et Grégoire Aladjidi dans un ouvrage qui fait désormais référence, à « préciser ses trois éléments fondateurs : une matière première, une source d’énergie, un moyen de transport » . Ainsi, l’information, le plus souvent sous forme numérique, est la matière première de la nouvelle économie. L’énergie indispensable pour traiter, transformer, organiser cette matière première est, non pas l’électricité, mais l’électronique, et tout particulièrement l’industrie des semi-conducteurs. Enfin, les réseaux numériques au centre desquels Internet joue un rôle déterminant constituent l’indispensable moyen de transport destiné à acheminer l’information sous toutes ses formes, y compris le son et l’image.

C’est le 6 décembre 1996 que le concept de nouvelle économie s’impose au grand public, avec la « une » de l’hebdomadaire américain Business Week, qui s’extasiait alors sur un véritable miracle : « Depuis début 1995, le marché a progressé d’un retentissant 65 %. Le marché est-il fou ? Pas vraiment. » et de souligner l’émergence d’une nouvelle économie bâtie sur les marchés globaux et la révolution informatique. Depuis le début des années 80, et de manière accélérée au cours des dernières années, l’économie américaine a engagé une restructuration fondamentale. Les investissements dans les ordinateurs et les télécommunications pèsent pour un tiers de la croissance. De l’Internet à la télévision, de nouvelles entreprises apparaissent quasiment du jour au lendemain pour tirer profit des technologies d’avant-garde.

Estimé à 4 milliards de dollars en 1994, le chiffre d’affaires américain directement généré par internet aurait atteint les 301 milliards de dollars (318 milliards d’euros) en 1998, ce qui ramène le chiffre d’affaires de l’Internet au niveau des industries phares de l’économie américaine, comme l’automobile (350 milliards de dollars).

En France les NTIC auraient contribuées à 5 % du PIB, 3,5% de la richesse nationale et 15% de la croissance économique en 1998.

Le vocable, qui définirait une économie fluidifiée par les réseaux électroniques, a fait florès. Au-delà de la montée en puissance des nouvelles technologies de l’information, il définit désormais un véritable projet de société, une économie des temps nouveaux, censée permettre d’en finir avec l’alternance des cycles de croissance et de récession. Grâce à une productivité soutenue, c’est un réel potentiel de croissance, combinant faible inflation et faible chômage avec des taux d’investissement et d’expansion records, qui provoqueraient l’enchaînement vertueux d’une « hyper croissance » sans précédent dans l’histoire

Un des éléments les plus encourageants de cette nouvelle économie est la création de nouvelles sociétés qui se développent rapidement et vendent au monde entier. On connaît Yahoo qui s’est développé en moins de cinq ans, passant d’un service créé par deux étudiants à une société plus importante que Boeing en termes de capitaux. Cependant la nouvelle économie ne se limite pas à des entreprises du secteur de la high-tech, c’est aussi une entreprise traditionnelle de casse automobile qui double son chiffre à l’export grâce à son site. C’est une entreprise d’assurance qui revoit son organisation lors de la mise en place d’un intranet et qui donne à chaque salarié plus d’autonomie et de responsabilité, diminuant ainsi les niveaux hiérarchiques. C’est une entreprise familiale de porcelaines qui se met sur internet et sauve des emplois en vendant au Japon.

B. Une ère nouvelle

La technologie vient alors bouleverser le processus de production : acheter, vendre, produire, distribuer chaque fonction est atteinte. A tout moment un nouveau concurrent peut bouleverser la chaîne de valeur en se positionnant en tant que nouvel intermédiaire. Le client devient le roi. On passe d’un marketing de masse à un marketing personnalisé. La concurrence devient à la fois globale et locale. Chaque entreprise peut s’adresser au monde mais en s’adaptant localement à chaque marché. On peut maintenant partager sa passion avec des passionnés du monde entier et intégrer une communauté. Le rapprochement avec des partenaires et clients passe par une communication active dans les newsgroups. Grâce à l’Email et aux nouvelles pratiques professionnelles du net, les accords, partenariats et contrats peuvent se conclure à travers le monde en une seule nuit. Le temps s’accélère au point de rendre caduc un modèle économique en moins de six mois.

Pour résumer ces principaux changements, voici un tableau synthétique :

Ancienne économie Nouvelle économie

Caractéristiques économiques :

Marchés Stables Dynamiques

Compétition National Global et local

Organisation Hiérarchisé, bureaucratique En réseau

Industrie :

Organisation de la production Production de masse Production flexible

Facteurs de production Capital/Travail Innovation/Connaissance

Facteurs de compétitivité Mécanisation Numérisation

Sources d’avantages comparatifs Baisses des coûts et économies d’échelle Innovation, Qualité, Coût,

Relations entre entreprises Solitaire Alliances et collaboration

Masse salariale :

Buts politiques Plein-emploi Adaptabilité et plus hauts revenus

Compétences Compétences spécifiques Compétences variées et transdisciplinaires

Éducation requise Une compétence ou un diplôme Un apprentissage à vie

Management du personnel Adversité Collaboration

Nature de l’emploi Stable Risque et opportunité

Gouvernement :

Relations aux affaires Régulariser Encourager la croissance

Régulation Commande et contrôle Outils de mesure du marché, flexibilité

Face à ces nouvelles données les entreprises vont devoir s’adapter, ce qui constitue un défi à relever d’autant plus que les facteurs d’opportunité et de menaces sont pour le moins importants.

Dans toutes les entreprises, le recours massif aux technologies de l’information devient indispensable pour répondre aux mutations des marchés et de la concurrence. La capacité à recueillir, traiter et exploiter l’information, à travailler en réseau, à servir de manière personnalisée ses clients, tout en tirant parti des conditions d’une production à grande échelle, devient une condition première de compétitivité. Les technologies de l’information et les réseaux sont les instruments de ces évolutions.

Cela devrait permettre à nombre de PME d’entrevoir de nouveaux débouchés vers le commerce électronique. Outre le marché local dont elles seront les principaux acteurs grâce à leur petite taille et à leur réactivité. Internet les débarrassera des barrières géographiques les exposant ainsi à la concurrence mondiale. Elles devront aller à la recherche de leurs clients sur internet et adopter de nouveaux usages. Elles devront repenser leur organisation interne, dégager de nouveaux avantages compétitifs grâce à internet, revoir leur positionnement dans la nouvelle chaîne de valeur et se créer une image auprès des internautes. De nouvelles entreprises émergeront poussées par le capital-risque et viendront rivaliser avec les acteurs traditionnels, captant des parts de marchés aux acteurs traditionnels qui ne se seront pas adaptés à la nouvelle donne. D’un côté le net va créer des opportunités pour de nouvelles compagnies, de l’autre elle va permettre à des entreprises bien implantées (en terme de marque, de capacité de distribution,...) de créer un effet de levier pour accroître leur puissance.

II. Le commerce électronique

Selon l’OCDE, le commerce électronique est « la vente ou l’achat de biens ou de services, effectué par une entreprise, un particulier, une administration, ou toute autre entité publique ou privée, et réalisé au moyen d’un réseau électronique ». Les biens et les services sont commandés par l’intermédiaire de ces réseaux, mais le règlement financier et la livraison peuvent être réalisées en ligne ou par d’autres moyens.

Cette définition inclut, non seulement les achats et ventes réalisés au travers d’un site Web, mais également les achats minitel, par un système téléphonique interactif (type audiotel). Elle exclut les transactions passées sur un mode non interactif, par exemple par fax et téléphone, mais aussi les emails quand ils ne sont pas échangés dans le cadre d’une application interactive (message simple suivi d’un traitement manuel).

A. Les entreprises : « B to B »

Le Business to Business (B to B) concerne l’utilisation de supports électroniques pour tout ou partie des échanges d’information d’une entreprise avec d’autres entreprises : fournisseurs, sous-traitants, clients, prestataires de services, organismes financiers, ....

Selon une enquête de "SESSI", en moyenne 15% des entreprises passent des commandes sur internet en France. Ce pourcentage s’élève à plus de 25% dès que les entreprises atteignent une taille supérieure à 250 salariés.

Les données disponibles dans d’autres pays montrent que le pourcentage d’entreprises qui achètent via l’internet (entre 30 et 70% d’entre elles) est significativement supérieur à celui des entreprises qui vendent (20-30%) à l’exception d’un ou deux secteurs d’activités particuliers (par exemple l’électronique).

Par ailleurs, l’OCDE estime que les grandes entreprises (+ de 100 personnes) utilisent l’internet à plus de 50% pour passer des commandes à l’exception notable de l’Australie et de la Finlande.

Il existe plusieurs manières pour une entreprise d’utiliser les canaux électroniques pour vendre leurs produits et services : ouvrir un site web (que celui ci permette ou non de prendre des commandes en ligne), développer des relations directes avec les entreprises clients, ou encore vendre au travers d’autres canaux électroniques tels que le Minitel, les services vocaux interactifs, et de manière encore émergente, la télévision interactive ou les appareils mobiles.

En France, les échanges de données informatisées (EDI) inter-entreprises se développent depuis plus de 20 ans et représentent aujourd’hui une part importante des échanges clients-fournisseurs dans les secteurs tels que l’automobile ou la grande distribution : rien qu’en France, quelques 120 milliards d’euros dont 80 milliards pour la distribution et 30 milliards pour l’automobile s’échangeraient chaque années sur des « réseaux à valeur ajouté » spécialisés (Allegro...Gallia..), qui migrent petit à petit vers l’internet. Les EDI se cantonnent cependant aux relations « 1 à 1 » entre des entreprises qui se connaissent déjà et sont liées par un contrat cadre préalables, dit « d’interchange ». Ils se développent pour l’essentiel à l’initiative des grands donneurs d’ordres qui en imposent l’utilisation à leurs fournisseurs.

Sur l’internet, le commerce inter-entreprises s’est développé très rapidement dans les dernières années, notamment dans le domaine des achats généraux et autour des « portails d’entreprises » de quelques grands industriels. Cependant, malgré des volumes significatifs, l’internet ne représente encore qu’un faible part des échanges inter-entreprises, et il est loin de concerner toutes les entreprises. A elles seules, une dizaine d’entreprises du secteur électronique génèrent vraisemblablement la majorité des transactions au niveau mondial - qu’il s’agisse des ventes à leur clients finaux ou de leur propre chaîne d’approvisionnement.

Aux USA, on estime à près de 86% (des 671 milliards de dollars) la part des achats inter-entreprises en commerce électronique réalisée sur des réseaux privés EDI (57 milliards) A noter que les montants des transactions « BtoB » réalisés sur internet aux USA sur l’années 2000 varient de 1 à 2,5 entre les organismes d’études.

B. Les ménages : « B to C »

Le business to consumer (B to C) ou e-commerce au sens strict concerne l’utilisation de supports électroniques pour tout ou partie des relations commerciales entre une entreprise et les particuliers.

En France, selon Taylor Nelson Sofres, le nombre d’internautes ayant effectués des achats sur internet serait passé de 7% en 1998 à 12% en 2000. Mais d’autres sources estiment ce pourcentage au-dessus de 20%. Selon le même institut, la France (12%) se classe au bas du classement avec respectivement l’Espagne (9%) et l’Italie (7% de cyberconsommateurs)

A titre de comparaison, les internautes américains (33% d’entre eux), les Allemands et les Britanniques (28%) réalisent plus souvent des achats en ligne. Les chiffres pour la France sont à nuancer dans la mesure où un important volume de chiffre d’affaires est généré par le biais du Minitel et ceci n’est pas pris en compte dans les estimations.

Les Etats-Unis réalisent plus de 26 milliards d’euros de transactions « BtoC » (entreprise-consommateur) et arrivent largement en tête des nations devant le Japon (1,7 milliards) et l’Allemagne(1,3 milliards) et le Royaume Uni (1,1 milliards)

Selon l’étude Netprofit réalisée par Nielsen/NetRatings aux deuxième trimestre 2001, le montant moyen des transactions en France serait de 31,65 euros en comparaison de 23,44 euros au Royaume-Uni et 74,11 euros aux Etats-Unis. En valeur, les voyages, l’informatique, les livres, le courtage financier, les objets vendus aux enchères entre particulier et la musique-vidéo sont les principaux articles vendus sur le net.

III. Le revers de la médaille

A. La nouvelle économie victime de son succès

Saisis d’une brûlante fière d’opulence, rêvant de pactole facile, encouragés par la plupart des médias, des essaims d’investisseurs (anciens et nouveaux) se ruent presque partout sur les Bourses comme naguère les chercheurs d’or sur l’Eldorado.

Mais s’enrichir vite, sans effort et sans travail tient du mirage. Aux Etats-Unis, malgré l’enrichissement global, les inégalités continuent paradoxalement de se creuser. Elles atteignent des niveaux jamais vus depuis la Grande Dépression. La prospérité de la nouvelle économie semble si fragile qu’elle fait penser au boom économique des années 20, quand, à l’instar de ce qui se passe aujourd’hui, l’inflation était faible et la productivité élevée au point que certains osent parler de « risque de faillite », et laissent planer le spectre de 1929...

A peine 25 % des entreprises de la Net-économie devraient, à moyen terme, survivre. De hautes autorités financières n’hésitent plus à mettre en garde les épargnants. « Soyons prudents à l’égard des titres des entreprises Internet », affirme, par exemple, M. Arnout Wellink, président de la Banque centrale des Pays-Bas, qui compare les opérateurs à des chevaux fous courant tous les uns derrière les autres à la recherche d’une mine d’or.

Nombreux sont ceux qui restent prudents quant à cette nouvelle révolution industrielle. Directeur de l’Internet Policy Project à l’Aspen Institute, M. Andrew Shapiro stigmatise ainsi cet enthousiasme débordant. En effet, il estime qu’il faudrait regarder au-delà des indicateurs que les champions de la nouvelle économie mettent en avant en affirmant qu’il s’agit d’une économie postindustrielle tirée par l’information.

Le résultat, c’est aussi la création d’une sphère où le gouvernement est affaibli, où le pouvoir individuel croît un tout petit peu, et où le poids des entreprises, qui dictent la législation et la réglementation, est gigantesque

L’autre grande critique que nombre d’experts formulent à l’égard de la nouvelle économie réside dans les risques que les sociétés s’en réclamant font courir à l’économie réelle. Depuis 1997, une véritable bulle spéculative boursière a vu le jour concernant les sociétés d’Internet. Encore loin d’être rentables, affichant parfois des pertes records, ces dernières connaissent pourtant des niveaux de valorisation importants en Bourse. Dans l’histoire économique, c’est bien la première fois que, à une large échelle, des sociétés cotées voient leurs cours connaître des progressions parfois supérieures à 100 % en quelques semaines alors que leurs performances économiques sont négatives.

Parmi ces sociétés il existe probablement le Microsoft de demain mais ne nous cachons pas la réalité, « des dizaines d’entreprises vont disparaître et des millions de dollars d’épargne vont partir en fumée », explique un analyste de Goldman Sachs. D’autant que, c’est un fait avéré, les classes moyennes américaines n’épargnent donc plus et consomment sur la base de leurs gains virtuels à la Bourse. Mais, si les cours de la Bourse venaient à chuter massivement et durablement, comme l’hypothèse semble pouvoir en être admise depuis le mini-krach d’avril 2000, l’actuelle progression de la consommation américaine serait rapidement entravée. Confrontés à leur endettement, les ménages mettraient un terme à leur boulimie de consommation, en pénalisant du même coup les économies du reste du monde industrialisé. C’est dans ce contexte que nombre d’économistes se préoccupent de plus en plus fortement depuis l’automne 1999 d’un possible retour de l’inflation.

A trois reprises déjà, dans le courant de l’année 1999, M. Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale américaine (Fed), a été contraint de relever le taux d’intérêt pour tenter de prévenir toute dérive des prix. Les risques de dérapage se multiplient à mesure que le croissance gagne l’Europe, l’Asie et l’Amérique latine. Les investisseurs peuvent être tentés d’y placer leurs capitaux, ce qui entraînera une chute du dollar et réveillera l’inflation. L’hypothèque pèse de plus en plus lourdement sur des marchés et des places financières fragilisés et déstabilisés par les incertitudes qui menacent désormais l’avenir et la fiabilité des valeurs-phares de la « nouvelle économie »

On dit des révolutions politiques qu’elles dévorent leurs enfants. Les révolutions économiques font de même.

B. un problème humain

Comme en écho, M. André Gauron, économiste et ancien conseiller de Pierre Bérégovoy, met l’accent sur une dimension le plus souvent occultée dans le débat sur la nouvelle économie : « Son principal défaut tient au caractère exclusivement technologique de l’approche » Car, ce faisant, on rate l’essentiel. En effet, ce qu’il y a de nouveau dans les technologies de l’information, ce n’est pas la technologie numérique, mais la transformation en marchandise de tout un pan de l’activité humaine : la communication. L’invention du téléphone, de la radio, du disque, de la télévision, a amorcé ce processus tout au long du siècle. La nouveauté ne tient pas seulement dans leur convergence, elle réside dans la mise en boîte et la réduction à l’état de marchandise de toute communication. En s’emparant de celle-ci, le marché se saisit d’une relation proprement humaine. Il repousse sa frontière interne et s’empare d’un territoire immense, jusqu’ici vierge, ou presque, de toute relation monétaire

Mais d’autres enjeux affleurent. A y regarder de près, le développement de la « nouvelle économie » apparaît souvent comme incompatible avec la protection de la vie privée. Des milliers d’informations concernant l’individu circulent sur le réseau, sont vendues et échangées, le plus souvent sans que les personnes concernées le sachent et sans que les gouvernements s’en préoccupent sérieusement.

Enfin, la vitesse de propagation de la « net-économie » est loin d’être la même dans le monde. Alors que les pays du Nord investissent des milliards de dollars en infrastructures (fibre optique, téléphonie mobile, généralisation de l’outil informatique dans les écoles et administrations, etc.), ceux du Sud, faute de crédits, restent à la traîne. Après avoir raté la révolution industrielle, ils risquent de perdre toute chance de se raccrocher à l’économie mondiale.

Conclusion

La nouvelle économie peut être une rupture et une menace, mais elle peut être aussi une continuité et une opportunité. Cela dépend principalement de l’État dont le rôle est d’accompagner le changement. Le développement du capital-risque et des stocks-options devrait permettre d’endiguer la fuite des talents tout en favorisant le dynamisme économique et l’innovation.

En France comme ailleurs, voire plus qu’ailleurs, l’intérêt des consommateurs pour le commerce électronique est limité par un certain nombre de freins et en priorité par les craintes concernant la sécurité des moyens de paiements. A cette crainte en partie irrationnelle s’en ajoute d’autre, qui concernent le coût de la livraison, l’usage des donnée personnelles et la qualité du service. Les acteurs du commerce électronique ont encore à convaincre les consommateurs.

Il faut remettre l’individu et son savoir au centre des préoccupations de l’Éducation Nationale. Ce qui supposerait de ne plus créer de futurs salariés mais des agents autonomes dont le fond de commerce est leur matière grise permettra de rendre à l’individu sa liberté tout en lui donnant les armes pour s’adapter aux nouveaux paradigmes économiques.

Source : Le Monde diplomatique

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